Livre : « Police »

Co-écrit par A. Bentounsi ; A. Bernanos ; J. Coupat ; D. Dufresne ; E. Hazan ; F. Lordon.

La police est une institution qui a pris une place considérable dans nos sociétés. Censée être garante de la paix dans la polis, elle est aujourd’hui la force qui maintient le système actuel par la violence. Le changement sémantique de « gardiens de la paix » à « forces de l’ordre » montre bien le basculement d’une institution supposée protéger les citoyens à une institution dont l’unique but est de protéger l’ordre établi par tous les moyens, en particulier en faisant usage d’une violence inouïe dont on nous bassine à longueur de plateaux télé qu’elle est « légitime ». On ne compte plus les mouvements sociaux réprimés grâce à cette « violence légitime » : mouvement contre la loi Travail, gilets jaunes, mouvement contre la réforme des retraites, luttes contre les méga bassines… On ne compte plus les mutilés dont la seule faute a été de tenter de faire valoir leurs droits en manifestant, on ne compte plus les morts tombés sous les grenades de désencerclement, les flashballs et autres armes de guerres utilisées par l’état contre ces propres citoyens.

Ou plutôt si, on compte et on doit compter, comme le fait David Dufresne, journaliste qui compile les atrocités commises au nom du maintient de l’ordre par des individus ayant perdu tout sens de la mesure ; afin de pouvoir décrire la dérive que l’on voit se dérouler sous nos yeux. On doit s’interroger, comme Amal Bentounsi, dont le frère a été tué d’une balle dans le dos par un policier, sur comment résister aujourd’hui face à cette dérive. On doit s’interroger, comme Julien Coupat, sur le rôle lobotomisant des fictions policières, véritables outils de propagande destinés à nous montrer le côté « humain » de ces policiers qui tuent parce qu’ils sont « fatigués ». On doit s’interroger, avec Antonin Bernanos, sur les liens qu’entretiennent certains policiers avec les mouvances fascistes ou pourquoi nombre de projets d’attentats d’extrême droite déjoués in extremis sont le fait de policiers ou de militaires. On doit se questionner, comme Frédéric Lordon, sur la notion de « légitimité » quand celle-ci sert à justifier l’injustifiable, quand l’écrasante majorité des politiques et éditorialistes nous rabâchent que la police qui matraque les manifestants, c’est (très) bien ; que les manifestants qui cassent quelques vitrines de banques ou tentent d’empêcher qu’une minorité accapare les biens communs (méga bassines ou autre), c’est très mal. Enfin on peut se rappeler, avec Eric Hazan, le rôle positif qu’on put jouer policiers et militaires dans l’histoire lorsqu’ils ont décidé de rejoindre les soulèvements populaires et espérer qu’un jour se soit de nouveau le cas…

Voilà ce dont parle ce livre collectif qui, loin d’être un brûlot anti-flic, tente de prendre la mesure de ce qui se déroule dans notre société et questionne le rôle de la police dans l’espace public.

Le livre est facile d’accès ; assez court, il prend la forme de « tribunes » signées par des journalistes, des citoyens, des militants et philosophes qui tous s’interrogent sur la dérive de quelques individus qui entraînent avec eux toute une institution dont même les dirigeants, quand ils ne valident pas carrément les actes violents ont toujours du mal à les « condamner ».

Simon

« Police », aux Editions La Fabrique