Alors que le mouvement social des agriculteurs bat son plein, une action de mobilisation a eu lieu à Ploërmel ce mardi 30 janvier, à l’appel de la Confédération Paysanne du Morbihan et du GAB 56, rejoints par de nombreux syndicats, associations et citoyens. L’occasion pour ces paysannes et paysans de faire connaître leurs revendications. Déambulaterre a assisté à leur conférence de presse. Marie-Eve Taillecours, porte parole de la Confédération Paysanne de Ploërmel, Dominique Dubreuil, président du GAB 56 et Martin Stecken de la Confédération Paysanne y ont pris la parole…
Quelles sont les revendications et en quoi différent t’elles de celles des JA et de la FNSEA?
« Nous avons des points de luttes en commun : le revenu. Nous ne voulons plus de prix de vente en dessous du prix de revient, pour pouvoir vivre dignement de notre métier sans compter uniquement sur les subventions. Il faut arrêter les traités de libre-échange, type accord avec le MERCOSUR (1). Cela favorise une agriculture productiviste et nous soumet à une concurrence déloyale car les producteurs de ces pays ne sont pas soumis aux mêmes normes que nous.
Or nous revendiquons une agriculture de qualité qui préserve l’environnement et qui doit passer par des normes sociales et environnementales, en cela nous ne demandons pas, moins de normes (comme nos collègues de la FNSEA et des JA), mais de meilleures normes !
Comme ce type d’agriculture a un prix, nous demandons également, qu’il y ait un meilleur partage de la richesse et de la valeur ajoutée dans le pays. Les consommateurs doivent avoir les moyens d’acheter des produits de qualité. A ce titre, la PAC pourrait servir de levier : aujourd’hui, elle finance des hectares et non des actifs, cela devrait être l’inverse.
Enfin, nous pensons que les dirigeants de la FNSEA jouent un double jeux car ils sont à la tête de grands groupes agro-industriels qui profitent des accords de libres échanges (2) alors que leurs adhérents souhaitent l’arrêt de ces traités.
Nous voulons également le respect de la loi Egalim (3). Nous voulons que soit respecté, par exemple, le taux minimum de 20 % d’alimentation bio dans la restauration collective (cantines etc). En Bretagne, nous sommes quasiment à ce niveau, mais dans le reste de la France, ce n’est pas du tout le cas.
Nous souhaitons donc un changement structurel global de la société. »
Quel rôle peuvent jouer les paysans et paysannes dans la transition écologique?
« Le paysan est celui qui nourrit le pays et entretient les paysages. Dans le mot paysan, il y a le mot « pays ». Nous considérons qu’une agriculture paysanne doit être écologiquement et socialement viable. L’agriculture doit être saine pour le consommateur mais également pour l’environnement. C’est pour cela que nous sommes contre des normes moins-disantes au niveau environnemental. Les produits phytosanitaires ne sont pas bons pour les sols, pour l’eau et la biodiversité, mais également pour les agriculteurs.
La moitié des jeunes qui s’installent en Morbihan sont sur un modèle « Paysan » et bio. Mais en bio, nous ne représentons que 10% de la surface. En gros, ça veut dire qu’en bio, on installe 9 fois plus de jeunes qu’en agriculture conventionnelle sur la même surface ! On nous dit qu’il ne faut pas que la campagne continue à se vider, il faut donc que ces jeunes soient aidés dans leurs projets. Il faut arrêter le productivisme qui dégrade l’environnement et les conditions de travail des paysans. »
Il y a t’il d’autres actions de prévues dans les prochains jours ?
« Il y aura probablement d’autres actions. Mais à la « Conf », on est pas là pour « emmerder le peuple ». Nous ne profitons pas de ce mouvement pour vider nos fermes et déverser nos déchets afin de bloquer. Puisque les paysans veulent être respectés, cela doit passer par le respect des agents d’entretien des communes et des employés des grandes surfaces. Ce sont eux qui se retrouvent à devoir nettoyer des tas de fumiers et de déchets. Ensuite, on considère que brûler des pneus et des bâches est un non-sens écologique ! ».
Propos recueillis par Simon, photo Olivia.
Notes :
1 : Un accord entre l’Union européenne et le marché économique commun sud-américain est en discussion. Le MERCOSUR regroupe le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay et l’Argentine. Il s’agirait d’un des accords commerciaux les plus importants du monde, concernant près de 780 millions de personnes. L’accord prévoit d’instaurer des quotas en dessous desquels des produits sud-américains ne seraient pas taxés. Plus d’infos sur le site de la Conf…
2 : A lire dans le web-journal Reporterre : « Arnaud rousseau, pompier pyromane à la tête de la FNSEA
3 : Les trois lois dites « Egalim » (2018, 2021 et 2023) devaient protéger la rémunération des agriculteurs et garantir qu’ils puissent peser dans les négociations face aux géants de l’agroalimentaire. Mais ces derniers ne jouent pas le jeu…
Un modèle à bout de souffle
- En octobre 2022, la balance commerciale française des produits agroalimentaires a atteint son plus haut niveau depuis 10 ans, selon Agreste, le service de la statistique du ministère de l’Agriculture, dans une note de conjoncture diffusée le 13 décembre 2022.
- Selon les chiffres de l’Insee, il y aurait actuellement 18 % des agriculteurs qui vivraient sous le seuil de pauvreté. Ce qui représente 70 à 80 000 personnes.
- D’après des statistiques de l’INSEE, en 2016, la France métropolitaine compte 437 400 exploitations agricoles. Leur nombre a baissé de plus de la moitié en 30 ans. Entre 2010 et 2016, les effectifs baissent d’environ 4 % par an pour les petites et moyennes exploitations tandis qu’ils progressent de 2 % pour les grandes exploitations. Ces dernières sont désormais les plus nombreuses (42 % des effectifs) et assurent 87 % du potentiel de production agricole.