Livre : « Où en sont-elles ? Une esquisse de l’histoire des femmes », d’Emmanuel Todd

Historien et anthropologue spécialiste de la cellule familiale, Emmanuel Todd retrace dans ce livre l’histoire et l’évolution du rôle des femmes dans les sociétés, depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, de la famille nucléaire des premiers humains aux revendications néo-féministes et LGBT contemporaines. En s’appuyant sur un travail scientifique mené par des chercheurs de tous horizons, en compilant des données statistiques et empiriques sur les différents rôles qu’ont pris femmes et hommes au sein des différents groupes sociaux à travers les âges, l’auteur montre l’importance et les conséquences de l’émancipation des femmes. En se basant sur le réel et non sur l’idéologie, Emmanuel Todd amasse un ensemble de données nous permettant d’appréhender, loin des discours orientés, le chemin parcouru jusqu’ici par les femmes depuis les prémices de l’humanité.

En montrant la place des femmes et leur statut dans les différents groupes familiaux du monde (famille nucléaire, souche, communautaire, à patri ou matri dominance etc.) l’auteur compare les différentes trajectoires qu’ont pris les sociétés, comment celles-ci se sont développées lorsque les femmes y jouent un rôle important ou ont au contraire « stagnées » (anthropologiquement parlant, sans jugement moral) lorsqu’elles sont cantonnées à des rôles subalternes. On voit apparaître en trame de l’Histoire l’influence, parfois « positive » parfois « négative » qu’ont les femmes dans l’innovation dont font preuves les sociétés les unes par rapport aux autres.

Parfois surprenant et bousculant par moment nos préjugés, Emmanuel Todd nous montre par exemple les liens, souvent paradoxaux, qu’ont pu entretenir les femmes avec les différentes religions, la protection vis-à-vis de la société à travers certaines ou l’enfermement au sein de la cellule familiale et ses conséquences à travers d’autres. En étudiant les statistiques disponibles (niveau d’études, accès à l’emploi, statistiques judiciaires etc.) et en utilisant des outils issus de l’intersectionnalité, l’auteur explique également que dans l’ensemble la révolution féministe a pour l’essentiel déjà eu lieu dans notre société et ce sans violence car dans l’intérêt des hommes, notamment ceux des classes populaires et moyennes. Etant aujourd’hui plus éduquées que les hommes, subissant moins qu’eux la violence sociale (moins sujettes aux agressions, au suicide, aux accidents de travail etc.), ayant plutôt tendance à l’hypergamie, étant dominantes dans l’idéologie, notamment grâce à leur importance dans le système universitaire et journalistique, Emmanuel Todd démontre l’importance du rôle des femmes dans la société contemporaine française. Il nous fait ainsi voir que le plafond de verre auxquelles font faces certaines femmes, notamment des classes supérieures, loin d’être le fait d’hommes de classes populaires récalcitrants, est en fait lié au mode de production et que les revendications de certaines féministes sont aujourd’hui plus des luttes de domination au sein du système capitaliste que des luttes d’émancipation globale pour toutes les classes sociales.

Enfin l’auteur étudie les liens entre théorie du genre, revendications LGBT et émergence d’un féminisme antagoniste qui, plutôt que de voir les hommes comme alliés objectifs, en font une catégorie biologique qui s’opposerait à leur émancipation.

Un livre particulièrement intéressant, qui, en compilant un ensemble de données scientifiques et en s’appuyant sur la réalité objective s’oppose souvent à l’idéologie dominante actuelle. Le livre est assez conséquent mais permet ainsi un panorama d’ensemble de toutes les sociétés, de la préhistoire à nos jours. Facilement accessible, il ne contient que quelques passages un peu techniques mais nécessaires à la compréhension de la thématique abordée.

Par Simon