Livre : « En travail. Conversation sur le communisme », de Bernard Friot et Frédéric Lordon.

Deux grandes figures de la gauche, Bernard Friot et Frédéric Lordon, échangent leurs points de vue et leurs réflexions, parfois convergents parfois divergents, sur le communisme. Sur sa nécessité à l’heure ou le système capitaliste nous mène dans une impasse écologique et humaine, sur ses réalisations concrètes -futures ou déjà-là -, sur ces institutions et les formes quelles peuvent revêtir.

Par Simon

Le livre se présente en trois parties distinctes, la première étant l’occasion pour les deux chercheurs de mettre en avant leurs accords, notamment sur la mise en place d’institutions économiques et sociales au niveau macroscopique, gérées par les travailleurs/citoyens et capables d’organiser la production de biens, de permettre l’émancipation des personnes, de gérer les nécessaires conflits etc. Cette partie est l’occasion pour les auteurs de revenir sur la proposition de Friot de salaire à la qualification etsur sa portée anthropologique : une scission avec un système capitaliste dans lequel les individus sont dépossédés de la valeur qu’ils produisent et assujettis à une organisation du travail mortifère sur laquelle ils n’ont aucune prise, aucun pouvoir.

Dans la deuxième partie du livre les auteurs abordent leurs désaccords, notamment ceux portant sur le langage. Il sera donc question ici de l’utilisation de certains mots et de ce qu’ils signifient : salaire et travail – quelles différences entre un salaire capitaliste et un salaire communiste ? Qu’entend-on quand on parle de travail dans un mode de production capitaliste et dans un mode de production communiste ? Peut-on considérer aujourd’hui qu’il existe une classe révolutionnaire ; quelle est la place du chercheur dans le processus d’émancipation des producteurs ; quelles sont les causes des échecs des combats et des institutions des travailleurs depuis plus de ans (syndicats etc.) ? Et enfin une partie très intéressante sur la possibilité ou non de la mise en place d’un système communiste que l’on pourrait- en simplifiant à l’extrême- résumer en trois mots : révolution ou réformisme ?

Enfin la troisième partie de l’ouvrage est une discussion sur les perspectives qui s’offrent à nous actuellement. Lordon montre ici qu’il faut être non pas pessimiste mais lucide face à la situation actuelle : toute puissance du capitalisme faisant qu’il ne lâchera pas un bout de terrain (on peut penser par exemple au licenciement du patron de Danone voulant faire passer cette entreprise en « entreprise à mission » avec le résultat qu’on connaît : viré par les actionnaires) ; préservation des intérêts du capital par la classe politique, tous bords confondus ; fascisation progressive du débat publique etc. Friot en profite pour rappeler ce qui est déjà-là et sur quoi nous pouvons construire : extension de la sécurité sociale à d’autres secteurs (alimentation, énergie etc.), extension du salaire à la qualification dont bénéficient les fonctionnaires à l’ensemble des salariés du public et du privé ; sortie du système dette/investissement pour un système de cotisation/subvention etc. Les auteurs insistent enfin sur la nécessité, pour faire face à la proposition capitaliste et fasciste de faire une autre proposition : une proposition communiste.

Un livre très intéressant pour comprendre l’enjeu d’un changement de système économique et politique, un dialogue entre deux chercheurs partageant un point de vue hors de la doxa médiatique et qui proposent une description concrète de l’alternative possible, le tout sans concessions pour autant. Un ouvrage facile d’accès que l’on peut, malgré quelques passages théoriques, comprendre sans difficultés.

« En travail. Conversation sur le communisme ». Bernard Friot ; Frédéric Lordon. Editions La Dispute ; 287p

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