Les « phytosanitaires » épandus dans les champs rendent malades, tuent et polluent. Plus personne ne peut fermer les yeux. Les agriculteurs le savent. Les autorités le savent. Et rien ne bouge. C’est contre quoi se bat le Collectif de soutien aux victimes de pesticides de l’Ouest qui intervenait récemment à Augan…
Par Cécile R.
« Entre le droit à être reconnu et la reconnaissance, il y a un pas ! » démarre Michel Besnard, le président du Collectif de soutien aux victimes de pesticides de l’Ouest. Nous sommes le mercredi 27 mars, au bar de la coopérative du Champ Commun. M. Besnard intervient avec une collègue lors d’un « Blabla de l’ESS », ce rendez-vous mensuel de rencontre-débat organisé par le Pôle de l’Economie sociale et solidaire du territoire de Ploërmel.
Par cette introduction, Michel Besnard fait référence à la reconnaissance en « maladie professionnelle » de cancers et autres maladies graves chez les agriculteurs. « Si la loi existe, la MSA (la sécurité sociale agricole) n’aide en rien à la faire appliquer », fait-il remarquer. « Lorsque qu’une maladie classée dans le tableau des maladies professionnelles est diagnostiquée, la MSA devrait immédiatement en informer et accompagner. Ce n’est pas le cas… ».
C’est face à ce constat que le Collectif est né en 2016. D’abord, il a accompagné des salariés de Triskalia, intoxiqués par les insecticides qui imbibaient les tas de céréales des silos. L’association soutient aussi des paysagistes, des travailleurs d’espaces verts, mais surtout des agriculteurs. Ceux-ci constituent 80 % des malades que le Collectif a aidé au fil des années. «Notre Collectif a accompagné 150 malades et a reçu une cinquantaine de demandes en cours », précise Michel Besnard. « S’occuper de démarches administratives quand on est malade, n’est pas chose facile. D’autant, qu’il est parfois nécessaire de conduire son dossier devant un tribunal ! ».
Maladie de Parkinson, lymphomes, myélomes, cancers de la prostate, hémopathies (causées par la présence de benzène dans la formulation de pesticides) sont les principales pathologies actuellement reconnues comme maladies professionnelles des agriculteurs. Mais d’autres maladies comme les tumeurs cérébrales, non reconnues, sont en augmentation. « Il manque un registre des maladies pour repérer leur fréquence et leur concentration, souligne M. Besnard. Mais du côté de la MSA, c’est l’omerta ! » Pire, la sécurité sociale des agriculteurs tire les indices d’incapacité professionnelle vers le bas. Car l’indice de gravité de la maladie détermine le taux d’indemnisation…
Plusieurs études ont pourtant fait la lumière sur les risques liés aux pesticides. « On sait maintenant qu’un agriculteur a 4 fois plus de risques de chopper un cancer de la prostate qu’un citoyen lambda ».
Quand on questionne Michel Besnard sur les raisons de ce rôle inversé de la MSA, il répond du tac au tac : « MSA=FNSEA et la FNSEA ne défend pas ses adhérents mais les lobbys de l’agrochimie et l’agroindustrie ! ».
Parmi les victimes liées à ces pratiques intensives, les travailleurs sous serres et tous ceux qui œuvrent en milieu fermé. « Les travailleurs d’élevages industriels doivent désinfecter les locaux des animaux, et on leur demande souvent de retourner dans le hangar traité avant le délai recommandé ». Comme souvent, les emplois saisonniers, les intérimaires, les travailleurs les plus précaires sont les plus exposés.
Pour Michel Besnard, c’est le modèle agricole qu’il faut changer. Au-delà de l’accompagnement des malades, le Collectif milite pour l’interdiction des pesticides de synthèse. Mais les récentes manifestations du secteur agricole ont produit le contraire de ce que l’on pouvait espérer : plus de pesticides, la mise sous contrôle par les préfets de l’Office de la biodiversité (1)… « Les décisions sont remises au politique, c’est un danger ! », alerte le Collectif.
Parallèlement, les produits nocifs se répandent dans la nature et leurs effets aussi. De plus en plus d’agriculteurs bio voient leurs productions contaminées. Les captages d’eau sont empoisonnés : on y trouve du S-métolachlore, l’une des substances actives herbicides les plus utilisées en France dans les cultures de maïs, de tournesol et de soja. Après son usage dans les champs, cette substance se dégrade en «métabolites», des dérivés chimiques qui se retrouvent dans les eaux souterraines destinées à la consommation humaine (2). « La réponse de l’État est désolante : augmenter les seuils admissibles dans l’eau potable ! »
Aujourd’hui, un nouveau type de demande arrive au Collectif : les plaintes de riverains de champs aspergés. Il faut alors faire de la médiation entre le riverain et l’agriculteur, amener le dossier à la DRAF (la Direction régionale de l’agriculture et de la forêt), à la mairie aussi, et s’appuyer sur l’aide d’un cabinet d’avocats dévoués. « Si elle parait ridicule, la distance de pulvérisation légale fixée à plus de 5 mètres d’une habitation n’est même pas respectée ! ». Ce combat là ne fait que commencer…
1 : https://reporterre.net/L-OFB-mis-sous-tutelle-Les-agents-deviendront-les-pantins-du-prefet
Cette rencontre-débat est à podcaster sur le site de TIMBRE FM : https://timbrefm.fr/les-emissions/les-blablas-de-less-sur-les-pesticides-mars/