Cet été, en pleine période de transition électorale, une consultation citoyenne a été lancée en toute discrétion. Elle portait pourtant sur une demande qui n’a rien d’anodin : l’octroi d’un permis de recherches minières sur notre territoire… L’association Eau et Rivière de Bretagne encourage les habitants à bloquer les opérations d’exploration qui pourraient démarrer après la fin de cette consultation qu’elle a qualifiée d’ « indigente ».
Par Cécile R.
Taranis, dieu du ciel et de l’orage dans la mythologie celtique, est le nom de ce projet minier. D’après le site du ministère de l’économie, il concerne l’octroi d’un Permis Exclusif de Recherches de Mines (PERM), sur vingt communes des départements du Morbihan, de l’Ille-et-Vilaine et de Loire-Atlantique. Sont concernées : Saint-Congard, Saint-Laurent-sur-Oust, Ruffiac, Tréal, Saint-Nicolas-du-Tertre, La Gacilly, Cournon, Les Fougerêts, Saint-Martin-sur-Oust, Sixt-sur-Aff, Saint-Just, Saint-Ganton, Langon, Sainte-Anne-sur-Vilaine, La-Chapelle-de-Brain, Renac, Sainte-Marie, Bains-sur-Oust, Massérac, Guémené-Penfao.
C’est la société Breizh Ressources domiciliée à Lorient qui a déposé cette demande sur une superficie de 359.5 km² et pour une durée de 5 ans (renouvelable deux fois pour 5 ans, soit potentiellement 15 ans). En jeu, la recherche d’une liste impressionnante de métaux : antimoine, argent, bismuth, cobalt, cuivre, étain, germanium, indium, lithium, molybdène, niobium, or, tantale, titane, tungstène, platine, métaux de la mine du platine, plomb, rhénium, zinc, zirconium, éléments de terres rares et substances connexes.
Sur ces quelques 360 km², les explorations impliqueront de pénétrer dans les propriétés privées, qu’elles appartiennent à un particulier, un agriculteur, une entreprise ou une collectivité. Or, «de l’exploration à l’exploitation il n’y a qu’un pas», fait remarquer Eau et Rivière de Bretagne. Car la règlementation actuelle inscrite dans le code minier permet aux détenteurs de ce type de PERM, la quasi garantie d’obtenir une Concession d’Exploitation, tant qu’ils en font la demande pendant la validité du permis. Et une telle concession d’exploitation de mine a une durée de 50 ans maximum, renouvelable deux fois pour 25 ans.
«Sur la forme, cette consultation est indigente», mentionne Eau et Rivière de Bretagne dans la lettre qu’elle a adressée au Ministère de la transition écologique afin de contester ce PERM, le 22 juillet 2024. «La période de consultation nous questionne d’autant plus qu’il n’apparait pas que les collectivités locales aient été invitées à s’exprimer sur ce projet préalablement à la consultation». Le territoire concerné est cependant traversé par la Vilaine et par de nombreuses zones humides. Selon l’association, le porteur de projet a sous-estimé la gravité des impacts alors que Taranis est «potentiellement extraordinairement impactant pour les milieux naturels et la biodiversité extrêmement riches et sensibles de ce secteur ainsi que pour le foncier agricole… il minimise systématiquement la qualité des milieux et de la biodiversité».
Autre inquiétude : la liste de métaux à rechercher, parmi lesquels l’antimoine. «L’antimoine est considéré comme un polluant majeur par l’Union européenne et par l’Agence américaine de l’environnement», fait remarquer France Nature Environnement Pays de Loire dans son avis publié le 18 juillet. D’ailleurs «son usage dans les batteries est en déclin (les nouvelles batteries acide-plomb et celles au lithium sont sans antimoine), et d’une manière générale sa toxicité et celle de ses dérivés tend à en restreindre l’utilisation au profit de substituts ».
Si assurer l’autonomie minière du pays est le leitmotiv, pourquoi minimiser la consultation publique et les études d’impacts ? Pourquoi, aussi, ne pas s’appuyer sur des capitaux nationaux ? Car derrière la jeune société bretonne porteuse du projet se cache une autre entité maison mère: AURANIA, une entreprise à capitaux canadiens domiciliée dans le paradis fiscal des Bermudes, représentée par un géologue britannique. Plutôt qu’un modèle de souveraineté, ce que le projet Taranis propose a une autre nature : «une carence d’ancrage local et un modèle économique reposant entièrement sur une anticipation spéculative», résume l’association écologiste des pays de Loire.
La soit-disant « transition énergétique » argumentée par le gouvernement et la décarbonation, ne pourront se faire sans évolutions radicales des modes de vie. D’autre voies plus vertueuses sont nécessaires : le recyclage et les économies circulaires, la sobriété énergétique, la conception durable des objets, la low tech…
Pour toutes ces raisons, Eau et Rivières de Bretagne encourage tous les résidents de la zone visée, qu’ils soient propriétaires ou locataires, à bloquer l’exploration. Le droit en effet les y autorise. Pour refuser les opérations d’exploration sur son terrain, il suffit de signifier son refus en remplissant le formulaire que l’association met à disposition. Bloquer le PERM, c’est possible en s’organisant collectivement !
Un bulldozeur dans votre jardin ? Dans sa description des travaux envisagés, Breiz ressources cite des prospections à la bâtée et par détecteur de métaux, à la tarière à main, dans certains cours d’eau avec tamisage, des prélèvements de roche au marteau et au burin, des captations de champ magnétique par vol d’hélicoptère, la pose d’électrodes d’injection dans le sol qui sont connectées à une batterie, mais aussi la réalisation de tranchée d’exploration de 10 à 50m à la pelle hydraulique, et même des forages jusqu’à la profondeur de 80 m et des forages profonds avec injection d’eau entre 100 et 300 m.
Liens :
Le formulaire de refus proposé par Eau et Rivières de Bretagne : https://www.eau-et-rivieres.org/sites/erb.fr/files/pdf/35/Formulaire%20de%20refus%20de%20pr%C3%A9l%C3%A8vement%20PERM%20taranis_.pdf
Le tract d’alerte contre les projets miniers en Bretagne : http://www.eau-et-rivieres.org/sites/erb.fr/files/pdf/56/TRACT.livret_versionTARANIS.pdf
La page spéciale « mines » d’Eau et Rivière de Bretagne, une mine d’infos ! : https://www.eau-et-rivieres.org/projets-miniers-une-consultation-m%C3%A9diocre-malgr%C3%A9-des-risques-majeurs
Un webinaire très instructif sur les projets miniers, par Eau et Rivières de Bretagne également : https://www.eau-et-rivieres.org/replay-webinaire-sur-les-projets-miniers-dans-louest