La sécu a 80 ans, mais a-t-elle encore toutes ses dents ?


Pense-t-on à la Sécu, en pratiquant le tiers payant ? c’est-à-dire en sortant cette petite carte verte magique au lieu de la carte bleue chez le médecin. Sait-on qu’elle est la facture de médicament en sortant de la pharmacie ? Il arrive d’en payer une partie, souvent pris en charge par la mutuelle. Mais se demande-t-on qu’elle est la facture réelle ?

Qui sait que l’autre branche de la Sécu, c’est l’URSSAF, tant honnie par les petits patrons et les grandes multinationales ? C’est elle qui s’occupe de collecter les cotisations qui ne financent aujourd’hui que la moitié de la Sécu. L’autre moitié c’est l’impôt qui s’en charge. Pourtant la cotisation ouvre des droits, tandis que l’impôt est un choix politique. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui, où la priorité de l’impôt peut passer à l’industrie militaire au détriment… de la Sécu.

D’une part nous cotisons, d’autre part nous compensons. Nous compensons les 80 milliards d’exonérations patronales en cotisations sociales, qui d’exceptionnelles, sont devenues la norme. Nous compensons aussi les 178 milliards d’aides annuelles aux entreprises, perçues sans contreparties, et surtout sans contrôles quant à leurs usages. Rappelons que le déficit de la Sécu en 2024 se monterait à 19,9 milliards d’euros. Rappelons aussi que le montant de la fraude fiscale en France est estimé entre 80 et 100 milliards d’euros, et que celui de la fraude sociale (donc à la Sécu) est de 25,58 milliards. Ou plutôt non, il est de 17,58 milliards puisque 8 milliards devraient logiquement être rajoutés à la fraude fiscale, car c’est celle à la TVA. Il serait aussi utile de préciser que les fraudes sociales sont essentiellement causées par des sociétés escrocs et non par des allocataires, alors que la fraude fiscale est largement partagée entre personnes morales et physiques. Il apparait aussi que certaines économies sont faites grâce au non recours de possibles allocataires sur des prestations normalement dues. Ainsi, 30% des possibles allocataires RSA et 50% des personnes pouvant prétendre au minimum vieillesse (ASPA), ne les réclament pas. Si le RSA ne dépend pas du budget de la Sécu mais des Départements, c’est bien le cas pour l’ASPA. Le total de ces économies se montent à 10 milliards d’euros environ.

A part ces économies non justifiées, nous compensons donc beaucoup… de choix politiques. A contrario, le gouvernement et le patronat voudrait nous voir cotiser de moins en moins : passage de la gestion du chômage par les syndicats patronaux et salariés à l’Etat, donc soumis à l’impôt ; ou volonté de combler le déficit des caisses de retraites par la capitalisation, et surtout pas par l’augmentation des cotisations pour ne citer que deux exemples.

Pourtant cotiser, c’est s’ouvrir des droits, c’est constituer le paritarisme, c’est contribuer au salaire différé. Le Conseil National de la Résistance en 1945, par l’intermédiaire de ses porte-paroles sur le sujet, Ambroise Croizat et Georges Buisson, a posé les jalons du principe « chacun cotise selon ses moyens, chacun reçoit selon ses besoins ».

Alors la sécu, avec ses 80 ans, a-t-elle encore toutes ses dents ? Il semblerait qu’au fil des ans, l’Etat au service de l’économie libérale lui en ait arraché la moitié.

Erwan Le Calvez

Sources : IFRAP, Statista, Cours des Comptes, Dress, Previssima

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