Un projet d’extension de l’usine FenêtréA à Beignon est actuellement en procédure d’autorisation environnementale. Appuyés par l’association SOS Brocéliande, des citoyens alertent : des nombreux manquements, à la fois scientifiques, réglementaires et écologiques devraient justifier un refus du dossier.
Par Sylvain
Le 20 mai 2025 a débuté la consultation publique d’ouverture pour autorisation environnementale dans le cadre de la loi industrie verte (1) sous la conduite du commissaire-enquêteur. La consultation, organisée aux frais du porteur de projet dure 3 mois, au cours de laquelle deux réunions publiques sont organisées. La réunion publique d’ouverture s’est déroulée lundi 26 mai 2025 dans une salle de la commune de Beignon où M. Dominique Lamballe, président du groupe FenêtréA, a présenté le Projet.
Un projet d’agrandissement
Présenté en octobre 2022 sur le média en ligne Bretagne-économique (2), le projet prévoit l’implantation d’une usine d’assemblage de menuiserie aluminium pour la société FenêtréA dans la zone d’activité du Chenot, sur la commune de Beignon. FenêtréA est déjà présente sur cette zone et souhaite développer son activité avec la création de cette nouvelle usine. Les activités réalisées dans cette nouvelle unité seraient la découpe des profilés aluminium et l’assemblage des menuiseries. Il est prévu que les produits finis soient ensuite stockés dans la plateforme logistique de FenêtréA qui existe déjà et se situe à 100 mètres de la nouvelle usine. Pour l’entreprise, propriétaire du terrain, qui a bénéficié de l’évolution du PLU visant à agrandir la zone d’activité, il s’agit aussi d’optimiser le transport en remplissant les camions via l’extension.
Lors de la réunion publique d’ouverture, le Président de FenêtréA, un natif du village, a fait part de sa volonté de rester sur Beignon, dont la commune bénéficie de l’activité de la zone artisanale. En effet, André Lamballe (le père du Président de FenêtréA), maire de 1989 à 2008, et son équipe municipale, ont , selon lui (3), développé l’activité économique du village qui comptait 700 habitants au début de son mandat. A l’époque, André Lamballe a procèdé à un échange de terres avec les agriculteurs et acquit un vaste terrain de landes au nord du village où il a commencé à installer la zone d’activité.
Richesse économique et/ou écologique ?
Membre de la communauté d’agglomération de l’Oust à Brocéliande, Beignon est une commune rurale du Morbihan, d’une superficie de 2 487 ha, abritant une population de 1 947 habitants dont seulement 6% sont au chômage (données INSEE 2021). À partir des années 1980, la commune a développé un tissu économique « varié et efficace », selon André Lamballe, regroupant plus de 700 emplois industriels dans la ZAE du Chenot, d’une surface de 25 ha.
Mais si la commune a certes un potentiel économique, elle possède aussi une richesse écologique à préserver. Beignon s’inscrit dans le bassin versant de l’Aff, au sein de deux masses d’eau de surface : tout d’abord, l’Aff et ses affluents depuis la source jusqu’à la confluence avec l’Oyon, dont l’état écologique est moyen. Ensuite, l’Oyon et ses affluents depuis la source jusqu’à la confluence avec l’Aff, dont l’état écologique est mauvais. Beignon est également concernée par les périmètres de protection rapprochée et éloignée des captages du Pont de la Lande. (Ces captages étant situés sur le territoire des communes de Beignon et Paimpont, les périmètres de protection concernent les deux communes).
Le territoire communal est non seulement caractérisé par son réseau hydrographique dense, mais aussi par sa superficie importante de forêt, dont une partie de la forêt de Paimpont. L’arrêté ministériel du 6 février 2024 classe d’ailleurs la commune de Beignon comme particulièrement exposée au risque de feu de forêt. Celle-ci est également concernée par le risque d’inondation ainsi que par le risque industriel du fait de la présence du dépôt de munitions de Coëtquidan.
Le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) (4) de Bretagne, ainsi que, dans une moindre mesure, les Schémas de cohérence territoriale (ScoT) (5) du Pays de Ploërmel, ont identifié une grande partie du territoire en tant que réservoir de biodiversité. Sur le plan de la biodiversité remarquable, le territoire compte deux Zones d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) (6) de type 1 (l’Aff et les Landes tourbeuses de Coëtquidan), ainsi qu’une ZNIEFF de type 2 (la forêt de Paimpont). De plus, la commune se situe à environ 630 mètres d’un site Natura 2000. Et des zones humides ont été inventoriées sur la commune couvrant une surface de 64,84 ha (environ 2,6 % de la surface communale).
ZNIEFF 1 et 2 Beignon (https://sig.reseau-zones-humides.org)
Biodiversité menacée
Pour la fabrication de fenêtres en aluminium, l’entreprise FenêtréA s’apprête donc à investir dans la construction de cette nouvelle usine. Selon le projet, elle sera robotisée, de 15m de haut. L’emplacement visé occupe un terrain de 4,1 hectares dans le parc d’activités du Chenot. Quatre terrains proches de l’entreprise (d’une superficie totale de 10 000 m²) sont réservés à la construction d’un lotissement, nommé « Horizon Brocéliande » et composé d’une quarantaine de maisons destinées prioritairement aux salariés de l’entreprise. La direction de FenêtréA insiste sur le fait que la rénovation énergétique des logements constitue un enjeu majeur des politiques de sobriété énergétique et que, dans la création du projet, la proximité de l’extension est indispensable pour la cohérence de son bilan carbone. Mais tout en faisant miroiter des pratiques et des logements plus écolos ainsi que des emplois, le projet raserait environ 2,83 Ha d’une zone boisée, incluant 12989 m² de zones humides, essentielles à la biodiversité et à la ressource en eau.
La procédure pour autorisation environnementale est donc en cours. Mais une nouvelle loi a autorisé des délais déséquilibrés. En effet, l’application du décret de la loi industrie verte datant du 22 octobre 2024, vise à accélérer et simplifier les procédures pour autorisation environnementale. Or, avec des délais divisés par deux, l’avis de l’Autorité environnementale (AE) n’est plus présenté au minimum quinze jours avant le début de la consultation comme le prévoit le code de l’environnement. Si bien qu’à une semaine avant la fin de l’enquête publique, celui-ci n’est toujours pas présent.
En plein détricotage des ambitions environnementales françaises sur l’agriculture, de la loi climat et résilience (les zones à faible émission, ma prime rénov et zéro artificialisation net), alors que des consultations citoyennes visant à rendre démocratique la planification écologique (convention sur le climat, les enjeux de l’eau du bassin Loire-Bretagne, plan national d’action pour restaurer la nature) restent dénigrées, le marasme économique du libre échange au service des 1 % les plus riches (7) exacerbe les conflits d’usage des ressources (8), au détriment de la transition des territoires, en plongeant élus, PME et défenseurs des écosystèmes dans un casse tête absurde.
Consultation citoyenne : l’illusion d’une Démocratie participative…
On ne peut nier que l’activité économique de la ZAE permet à Beignon de tirer des revenus pour financer les infrastructures, le développement des activités associatives, participant à l’attractivité de la commune. Face à l’austérité budgétaire réduisant les subventions de l’état, à la suppression de la taxe d’habitation, les municipalités comme Beignon sont sans cesse obligées de chercher de nouvelles sources de revenus, mettant en concurrence leur survie économique et l’urgence écologique dont dépend l’habitabilité de la planète.
« Croqué ou être croqué« , est un argument qui nous renvoie à cet imaginaire de la loi du plus fort : une société qui se dit « évoluée », incapable de sortir de son schéma de prédation, quitte à foncer vers un capitalisme cannibale, se condamnant à long terme pour le profit de quelques-uns. Dans ce contexte, l’austérité se révèle comme une impasse économique et écologique. Or, sans planification écologique avec des financements fléchés sur le long terme, il n’y aura jamais de visibilité pour permettre aux territoires de s’adapter (9).
Une réunion publique de clôture aura lieu à Beignon le 12 août à 18h avec une permanence du commissaire enquêteur le 19 août de 9h à 12h.
1 : https://www.economie.gouv.fr/actualites/que-contient-la-loi-industrie-verte
https://www.registre-numerique.fr/usinefenetreabeignon
4 : https://www.bretagne.bzh/actions/grands-projets/breizhcop/sraddet/
5 : https://scot.pays-ploermel.fr/
8 : https://theshiftproject.org/publications/atlas-2050-ressources-territoires/