Lieu paisible de promenades apprécié des touristes et des Locaux, le site concerné par l’extension de l’usine FénêtréA est aussi un corridor écologique entre la Forêt de Paimpont et les landes de Coëtquidan. C’est pourquoi l’association S.O.S. Brocéliande, mobilisée pour la préservation des milieux naturels, réclame une étude d’impacts plus sérieuse.
Par Sylvain avec SOS Brocéliande
Espace tampon entre la zone industrielle de Beignon et la forêt de Brocéliande, la future usine FénestréA, si elle se construit, dominera l’Aff, un cours d’eau que l’Office de tourisme du Morbihan décrit comme une « mystérieuse vallée où selon la légende, la Reine Guenièvre avoua son amour à Lancelot du Lac ». Si les mythes et légendes font le charme touristique de ce territoire, c’est son intérêt écologique qui attire l’attention particulière de SOS Brocéliande, une association qui lutte pour la préservation du patrimoine écologique de Brocéliande (voir encadré #1 plus bas). Après une analyse attentive du dossier soumis à la procédure d’autorisation environnementale, et à la lumière de plusieurs avis techniques, l’association pointe de nombreux manquements, à la fois scientifiques, règlementaires et écologiques.
L’étude d’impact naturaliste souffre de lacunes majeures, selon ses membres. En effet, l’article R.122‑2 du Code de l’Environnement impose « une description du milieu concerné, de ses composantes naturelles et des fonctionnalités écologiques, reposant sur des inventaires exhaustifs sur plusieurs saisons ». Les inventaires auraient donc dû être réalisés sur un cycle biologique complet pour évaluer les enjeux écologiques au regard des particularités phénologiques (cycles de vie des organismes qui sont donc directement calés sur les saisons), de la biodiversité locale et des habitats en place. Or, seuls des relevés en mai et juin ont été réalisés et aucunes données sur la nidification des amphibiens, reptiles ou chiroptères, ni sur les mollusques patrimoniaux, n’ont été remises (voir encadré#2 plus bas).
L’inventaire ne mentionne qu’un seul reptile. Et le dossier ne mentionne aucun protocole de pose de plaques, habituellement utilisées pour la recherche de couleuvres, vipères. Étonnement, la période choisie n’est pas la plus propice pour leur recherche. Un expert des serpents est venu sur le site et a constaté la présence de couleuvres. Il a précisé que c’est en mars que nous pouvons voir et étudier les serpents et que tous sont protégés. Des vipères ont également été repérées dans les terrains avoisinants.
Dans l’étude d’impact, le nombre d’espèces citées est faible au regard des milieux représentés. Si les espèces notées sont cohérentes par rapport aux milieux étudiés, certaines espèces connues, en reproduction dans ce même type d’habitats à proximité, ne sont pas mentionnées. C’est le cas de : l’Engoulevent d’Europe, le triton crêté et le triton marbré, le rouge queue à front blanc, le lézard vivipare, les droseras, etc… Ces espèces mériteraient pourtant des recherches dédiées. La proximité du site « Natura 2000 Forêt de Paimpont », dans la continuité biologique du site d’étude, aurait dû inciter à rechercher spécifiquement les espèces à enjeu.

Des analyses biaisées
Par ailleurs, il existe des failles dans le protocole par IPA (Indice Ponctuel d’Abondance) pour les oiseaux. Le principe des IPA est de noter le nombre de contacts (visuels et auditifs) pour chaque espèce sur un point donné pendant un temps donné. Le dossier ne fait pourtant l’objet d’aucune analyse d’abondance comparative. L’analyse d’activité des chiroptères (les chauve-souris) nécessiterait quant à elle une comparaison au référentiel d’activité de ces espèces, développé par le Muséum National d’Histoire Naturelle.
D’autre part, toutes les mesures proposées dans le cadre de la stratégie « éviter-réduire-compenser » (ERC) repose sur des éléments parcellaires. L’ERC (1), est une déclinaison technique et opérationnelle des engagements internationaux, communautaires ou nationaux pris par la France en matière de préservation des milieux naturels. Elle a pour objectif « d’éviter les atteintes à l’environnement, de réduire celles qui n’ont pu être suffisamment évitées et, si possible, de compenser les effets notables qui n’ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits ». Cependant, nous faisons face à une absence de présentation d’alternative : il y a donc une absence d’évitement ou de réduction. Nous sommes confrontés à la présentation directe d’un plan de compensation. Privilégier la compensation au détriment de l’évitement va à l’encontre même de la séquence ERC.
En outre, plusieurs autorités ont rendu des avis très réservés ou négatifs. L’Autorité environnementale, la MRAe Bretagne, (avis du 13 mars 2025 sur la révision du PLU de Beignon) dénonce l’absence d’alternatives à l’implantation du projet et une artificialisation en zone écologique sensible. Quant au SAGE Vilaine, le Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (avis du 6 juin 2025), il conclut à une incompatibilité du projet avec les objectifs du SAGE, en raison de la compensation écologique inadaptée et non pérenne et d’un défaut d’analyse de la gestion des eaux pluviales. Ajoutons à cela, l’avis de l’Agence régionale de santé (ARS) du Morbihan. Elle relève un risque sur la ressource en eau potable (captage du Pont de la Lande) en l’absence de garanties suffisantes.
En l’état, ce projet ne respecte ni les fondements du Code de l’Environnement, ni les orientations du SRADDET Bretagne et du SCoT local. Il menace directement une zone humide fonctionnelle (voir encadré#3 plus bas), la continuité écologique entre la forêt de Brocéliande et la vallée de l’Aff, susceptibles de nuire au libre écoulement des eaux, réduire la ressource en eaux, accroitre notablement le risque d’inondation, porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique (2). Et ceci dans un contexte de crise : au mois de juillet 2025, la ressource en eau potable est en alerte renforcée (3), des mesures de réduction de tous les prélèvements en eau sont prises ainsi qu’une interdiction des activités impactant les milieux aquatiques.
Dans cet état actuel de crise, comment justifier l’artificialisation d’une zone humide qui aura un impact direct sur l’Aff ? Le projet d’extension prévoit de substituer la zone humide par une réserve incendie sous le bâtiment : lorsque celle-ci sera saturée par les précipitations, les eaux pluviales seront rejetées vers le plan d’eau au sud. Mais, comme le précise la Commission Locale de l’Eau (CLE) du SAGE (4), les risques d’inondations ne seront pas forcément évités. Le dossier d’ailleurs ne présente pas d’analyse technico-économique de la faisabilité de la mise en œuvre de techniques alternatives, précise le SAGE. « Dans le dossier, aucune justification n’est apportée pour écarter des dispositifs tels que les noues végétalisées, les tranchées d’infiltration, les bassins à ciel ouvert, les toitures végétalisées ou les filtres plantés ».
Le dossier ne présente aucune donnée sur l’impact du dévers Nord de la Zone humide actuelle. Il n’y a pas eu d’étude en dehors de la parcelle alors que cela devrait être le cas sur 100m autour de la zone concernée par l’extension. Cela revient à supprimer de la carte un affluent de l’Aff, les ruisseaux au nord et la biodiversité qui en dépend. Est-on à l’abri d’un risque assèchement plus précoce de ce milieu et de la rivière ?
Une compensation délocalisée
L’un des arguments du projet est d’éviter la délocalisation de l’usine, cependant la mesure compensatoire est envisagée à Carentoir, au nord de l’étang du Beauché,ce qui est non conforme, selon l’avis du SAGE. En effet, le site de compensation doit être localisé sur la même masse d’eau, celle de l’Aff, alors que le site de Carentoir est localisé sur la masse d’eau « le Rahun », actuellement identifié « en milieux humides aux fonctions naturelles dégradées ». De plus, toujours selon le SAGE, le projet de renaturation de zones humides n’a pas été accepté par l’opérateur GeMA (Gestion des Milieux Aquatiques) et l’Agence de l’Eau, et donc ne peut se faire. Pourquoi ne pas profiter de parcelles déjà artificialisées pour construire cet agrandissement d’usine, tel que réaménager les bâtiments de production PVC, ainsi que les grands espaces d’herbe du site déjà existants ?
De plus, la commune de Beignon est, selon la MRAE, concernée par le risque de feu de forêt. L’extension de la zone d’activités dans la forêt de Paimpont interroge fortement sur l’exposition de la population au risque d’incendie. La forêt, qui plus est, maintient une température plus fraiche au sol, ce qui est précieux en période de canicule et à l’heure où nous subissons le réchauffement climatique. A la mi-juillet, des membres de SOS Brocéliande ont effectué des relevés sur place avec 2 thermomètres différents (au mercure et laser). Les températures dans la zone industrielle et dans la parcelle boisée concernée par le projet montraient des résultats clairs : la zone Industrielle était à 49 et 51 degrés, tandis que la parcelle boisée à 27,5 et 29 degrés, soit plus de 20 degrés de différence ! Couper et artificialiser une zone boisée humide qui garde la fraicheur, séquestre du carbone, maintient l’humidité et sert d’habitats pour des espèces protégées, est-ce vraiment une priorité ?

Fin de la consultation
Le 14 août 2025, deux jours après la consultation de clôture, alors qu’il est déjà trop tard, le tant attendu avis de la MRAe apparaît enfin sur le registre numérique. Mais l’absence d’avis vaut « absence d’observation » : « La MRAe de Bretagne n’a pas pu étudier, dans le délai de deux mois imparti, le dossier mentionné ci-dessus et reçu le 13 juin 2025. En conséquence et conformément à l’article R. 122-7 du code de l’environnement, elle n’a formulé aucune observation concernant ce dossier. »
Cette consultation ressemble à une mauvaise blague ! Comment prétendre faire « participer le public » si nous ne pouvons avoir un avis éclairé sur les incidences d’un projet ? Le code de l’environnement prévoit pourtant que « l’avis doit être rendu public à un stade suffisamment précoce (avant la consultation), il sert à éclairer le public et le commissaire enquêteur, le cas échéant à inciter le responsable du projet à le modifier ou l’améliorer, et à permettre à l’autorité chargée de prendre la décision finale de le faire en toute connaissance de cause ». Autrement dit, il sert à prendre ses responsabilités devant le public.
La Loi industrie verte incite au bricolage environnemental, en introduisant le concept de « raison impérative d’intérêt public majeur » pour la transition écologique ou la souveraineté nationale, qui relèverait dès lors d’une appréciation discrétionnaire de l’administration, conforme à la Constitution selon le Conseil constitutionnel. De plus, elle assouplit aussi les possibilités pour les entreprises responsables d’accidents industriels et de pollutions de s’exonérer de leur responsabilité. Ce qui permet de faire peser les couts de dépollution à la charge exclusive de l’État et des collectivités (donc en fait, à nous, les contribuables). Ou pire encore, que les entreprises abandonnent leurs sites.
Une nouvelle fois, la décarbonation se fait au détriment de notre environnement.
Des citoyens/ennes mobilisés/es pour prendre en compte notre environnement.
SOS Brocéliande est une association née en 1995 pour contrer le projet de barrage dans la Vallée de l’Aff. Depuis, elle a suivi les installations de pompages et a pu faire exiger une étude sur la responsabilité des forages quant à l’asséchement estival de l’Aff.
Protéger la vallée de l’Aff et la forêt de Brocéliande dans son ensemble ainsi que les cantons frontaliers compte parmi ses objectifs. Elle entend informer et sensibiliser le public de sa responsabilité individuelle ou collective en matière de protection de la nature, de l’environnement, de la santé et des actions qui s’y rattachent. SOS Brocéliande travaille à favoriser la connaissance culturelle, historique et spirituelle se rapportant à la forêt de Brocéliande (conférences, exposés, bibliographies, vidéos, etc). Elle cherche à coopérer, se fédérer avec d’autres associations poursuivant le même objectif en Bretagne (organisation de manifestations artistiques, culturelles, sportives, etc). Elle lutte contre les dégradations de toute nature des sites pouvant présenter des dangers ou des inconvénients notamment pour la commodité du voisinage, pour la santé, la sécurité, la salubrité publique pour l’agriculture, pour la protection de la nature et de l’environnement, pour la conservation des sites.
Beignonnais/es de longue date ou nouveaux arrivants, résidents des alentours de Brocéliande ou amoureux de la forêt de passage, les membres de SOS Brocéliande mettent en commun leurs expériences variées pour préserver au mieux la biodiversité si précieuse.
Des manquements dans l’inventaire de la faune
Le dossier du bureau d’étude des écologues présente beaucoup de manquements : de nombreuses espèces en sont absentes alors qu’elles ont pu être observées par des riverains et naturalistes aux alentours du site. Cette étude n’a en outre pas été réalisée sur un cycle entier.
« Une attention particulière a été portée à la recherche de l’escargot de Quimper présent dans les données bibliographiques (de commune et de la ZNIEFF). L’espèce affectionne particulièrement les boisements plutôt humides, avec présence de bois mort, bryophytes, talus. Aucun individu n’a été relevé sur la zone d’étude malgré la présence d’un talus plutôt favorable au sein du site du projet. » Or, l’escargot de Quimper se détecte principalement de septembre à mars, de nuit, et est très discret. Il y a peu de chance d’en trouver en mai et juin, par beau temps, lorsqu’on cherche également d’autres espèces. (6)
L’inventaire ne mentionne que l’écureuil roux alors que le terrain est régulièrement visité par d’autres mammifères (hérisson, chevreuils, blaireaux, ….)
L’inventaire mentionne 12 espèces de Chiroptères. Or, même si aucune espèce n’est directement en voie de disparition, une espèce (Grand rhinolophe) est classée en Danger sur la Liste Rouge Régionale et 8 espèces sont déterminantes en ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique).
Quand aux oiseaux, au total, 33 espèces ont été détectées lors des inventaires. La plupart sont protégées au niveau national (26 espèces). Parmi ces espèces, 9 sont considérées comme patrimoniales par leur statut de conservation et l’utilisation qu’elles font de la zone d’étude.
Le chardonneret élégant, la fauvette des jardins, le pic épeichette, le roitelet à triple bandeau, le serin cini, la tourterelle des bois et le verdier d’Europe possèdent des statuts de conservation « quasi-menacés » ou « vulnérables » sur les listes rouges.
Le pic mar, nicheur possible sur le site du projet, n’est pas menacé sur les listes rouges nationale et régionales, mais est inscrit à l’annexe I de la Directive Oiseaux ce qui confère un intérêt de conservation important. Il est également déterminant de ZNIEFF en Bretagne. Ainsi, ce taxon devra faire l’objet d’une attention particulière dans la présente étude.
En ce qui concerne le martinet noir, il a un statut « quasi-menacé » sur la liste rouge nationale des oiseaux nicheurs. Mais ce taxon ne niche pas sur la zone d’étude et a seulement été observé en train de s’alimenter en vol.
D’autre part, des riverains ont constaté des manquement à l’inventaire : l’Engoulevent est présent sur un site voisin. Couleuvre à collier, hérisson, rossignol philomèle, salamandre sont présents directement sur le site.
TOUTES les zones humides doivent être préservées de toute atteinte !
Comme l’a rappelé l’avis de l’association Eau et rivières de Bretagne : le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 2022-2027 introduit désormais la notion d’ « espace périphérique, les espaces périphériques des zones humides jouent un rôle dans leurs fonctionnalités et leur pérennité, et sont à ce titre, pris en compte dans la protection accordée aux zones humides. On entend par espace périphérique d’une zone humide, la zone, l’aire, le secteur ou la partie de territoire, située sur son pourtour, au sein desquels se déroulent des processus hydrauliques, biologiques ou paysagers nécessaires à sa fonctionnalité et à sa pérennité. »
notes :
1 : https://www.ofb.gouv.fr/mettre-en-oeuvre-la-sequence-eviter-reduire-compenser
4 : https://www.eaux-et-vilaine.bzh/l-etablissement/gouvernance-de-leau/commission-local-de-leau/