Les bénévoles et les salariés de la radio Timbre FM ont été une fois de plus sidérés face au Projet de Loi de Finances 2026, présenté dans le « Projet annuel de performances » (annexe au projet de loi de finances pour les médias, livres et industries culturelles). Cette radio associative implantée à Augan et sans doute la très grande majorité des radios locales et associatives françaises vont faire les frais de ce projet qui prévoit une réduction de 44% du Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique (FSER), soit une coupe budgétaire de plus de 16 millions d’euros, pour des crédits alloués à plus de 770 radios associatives en France.
Par Erwan LE CALVEZ, pour le Comité d’Animation Collégial de Timbre FM
L’Arcom, le régulateur de la communication audiovisuelle et numérique, avait déjà mis en avant le rôle indispensable des radios associatives dans le maintien du pluralisme et de la diversité médiatique l’année dernière, quand le projet de loi de finances 2025 prévoyait une baisse de 30 à 35% du budget. Elle insistait également sur la nécessité de les soutenir financièrement pour leur permettre de réussir la transition de la FM vers le numérique, notamment via le DAB+ (radio numérique terrestre). Parmi les mesures proposées, l’Arcom recommandait un financement stable du FSER afin d’assurer la modernisation et la résilience de nos radios locales face aux défis économiques croissants.
Ce financement jusqu‘en 2008 était pérenne. Il avait le mérite d’être autofinancé par le monde des médias puisqu’il était prélevé sur les taxes des publicités radio et télé commerciales. Le gouvernement Sarkozy a mis fin à ce mode de financement autorégulé en le rendant dépendant de la loi de finances, donc directement de son ministère de rattachement, le ministère de la culture, soit l’État. Une fois de plus, l’État à la fois libéral économiquement et d’un autoritarisme centralisateur devient le gestionnaire et le décisionnaire de systèmes auparavant autogérés par les acteurs sociétaux (organismes paritaires pour le financement du chômage pour ne citer qu’un autre exemple).
De plus le montant de ce soutien est attribué en contrepartie de l’implication et des actions des radios locales sur leur territoire : éducation aux médias en milieu scolaire, informations culturelles et environnementales, plateaux radios sur les événements, annonces des manifestations culturelles et sportives locales, communications sociales de proximité. Chaque activité radiophonique locale est soumise à attestation. Le montant du FSER est établi pour chaque radio en fonction du nombre d’attestations d’activités locales réalisées sur l’année civile. Ce financement, contrairement aux différents mode de soutiens financiers aux entreprises est non seulement soumis à des contreparties, mais aussi aux contrôles.

Les radios locales en sursis
Cette diminution inédite menace directement la pérennité des radios associatives. Celles-ci jouent un rôle essentiel dans la vie démocratique, culturelle et sociale de nos territoires. Ces médias de territoire et du lien social sont souvent les seuls à offrir une plateforme d’expression aux citoyens, à garantir la diversité des opinions, et à mettre en lumière les acteurs locaux, qu’il s’agisse des élus, des associations ou des initiatives citoyennes. La réduction du FSER entraînerait des conséquences irréversibles : plus de la moitié des radios associatives pourraient disparaître dès 2026, et près de 80 % des emplois, soit environ 2 400 postes directs et indirects, seraient menacés dans un secteur déjà fragilisé.
De plus, cela génèrerait un recul du pluralisme, un appauvrissement de la diversité médiatique locale, et un affaiblissement de l’offre culturelle. Les radios associatives, véritables entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire, sont le deuxième employeur du secteur radiophonique, après le service public. Cependant, elles peinent déjà à absorber les augmentations de charges d’exploitation face notamment à la diminution des dispositifs d’aide, tels que les emplois aidés. D’autres charges se sont rajoutées face à la volonté de l’état de passer au tout numérique, soit la double diffusion en FM et Dab+. Sans compter les charges inhérentes à toutes les entreprises dépendantes du prix de l’énergie: Les radios sont de grosses consommatrices d’électricité.
Pour Timbre FM, cette baisse entraînerait la suppression d’un poste salarié, voire deux sur les quatre, et réduirait d’autant nos capacités à intervenir sur notre territoire. Un poste salarié en moins c’est moins d’activités radiophoniques locales. Et de fait, cela entraîne une diminution supplémentaire des montants alloués par le FSER. Alors quelles conséquences avec deux salariés en moins ? C’est une spirale d’enfoncement qui amène vers la disparition pure et simple des radios associatives locales.
Enfin, cette coupe budgétaire est d’autant plus paradoxale que les radios associatives sont en première ligne pour former les jeunes (et moins jeunes) à l’éducation aux médias et à l’information, une mission essentielle face aux défis contemporains de l’infobésité : concentration des médias, croissance de l’intelligence artificielle et explosion des fake news.
Cette réduction drastique du FSER parait d’autant plus incompréhensible, qu’elle diverge avec les priorités affichées et assumées par l’État lors des derniers exercices budgétaires et avec les grandes orientations définies par des initiatives telles que les États Généraux de l’Information 2024, le Livre Blanc de l’ARCOM, ou encore le Printemps de la Ruralité.
Le projet de Loi de Finances 2025 avait été élaboré dans l’urgence en 15 jours par un gouvernement tout juste nommé. Le déficit avait été révélé fin septembre 2024, après sa dissimulation par Bercy, alors que le président de la commission de contrôle des finances du Sénat (Jean-François Husson – LR), avait expressément demandé au ministre du budget (Bruno Lemaire – LREM) son montant dès début juin. Avec le montage express du projet de Loi de Finances 2025, il était paru évident que le nouveau gouvernement n’avait pas eu le temps de réfléchir aux implications qu’entraîneraient une telle réduction du financement des radios associatives et locales.
Le projet de loi de finances, élaboré après la mobilisation du monde associatif et plus particulièrement des représentants des radios locales et associatives du pays, a été rédigé en conscience des problèmes précédemment évoqués. C’est donc un choix politique de commencer à éradiquer les radios associatives et locale de France et de vouloir museler toutes les voix n’appartenant pas aux grands groupes des médias nationaux. Ce projet de loi de finances est juste criminel pour tous les secteurs associatifs de France.
Sources :
Projet annuel de performances (annexe au projet de loi de finances pour les médias, livres et industries culturelles)
Courrier aux élus de Timbre FM
Communiqué de presse du CNRA (Confédération Nationale des Radios Locales) « PLF 2026 : Un cataclysme budgétaire menace les radios associatives françaises »
Communiqué de presse 2024 de la Coordination des Radios Locales et Associatives de Bretagne
Émission Arrêt Sur Image du 11/10/2024 « Déficit budgétaire, tout ça pourrait finir par un grand mensonge d’État »