Deux places viennent de changer de dénomination à Ploërmel. L’une portait un nom évocateur de la justice. Le maire de la ville a souhaité les remplacer par le patronyme d’un homme condamné en correctionnel pour recel de bien provenant d’un délit.
Par Daniel
Le 22 septembre 2025 s’est déroulé un étrange petit évènement : le maire de Ploërmel, Patrick le Diffon, a débaptisé la place de l’Union et la place du Tribunal pour les nommer d’un nouveau nom : place Paul Anselin. A cette cérémonie étaient présents quelques huiles bretonnes : l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian et la sénatrice du parti les Républicains Muriel Jourda. Pourquoi du beau monde pour un simple baptême de place publique ? On ne fait pas déplacer une sénatrice et un ancien ministre de la Défense, à qui l’on a demandé d’être premier ministre (pour prendre la suite de Michel Barnier), à une cérémonie qui n’a duré que 10 minutes chrono.
La réponse est peut-être dans le nouveau nom de la place : Paul Anselin. Un homme décédé le 8 mars 2023, ancien maire de Ploërmel de 1977 à 2008 , mais également – l’amnésie est si vite attrapée – délinquant condamné en 2009.
Qui était donc Paul Anselin ?
Après quelques années de fac de droit, il devient militaire, sous-officier de Saint-Cyr dans la promotion de 1956. Envoyé en Algérie, il est pris dans une embuscade en janvier 1957. Selon lui, il sera sauvé par un sous-officier, un certain Jacques Chirac…
Dans les années 1970, il travaille dans différents cabinets ministériels et devient sous-préfet à Epinal en 1974. Une manifestation d’agriculteurs dans cette ville se termine par la mort d’un paysan le 17 févier 1976. M. Michel Boyé est blessé mortellement devant la préfecture lors de la charge des CRS. La question des responsabilités fut posée par le député Raymond Forni au parlement, mais depuis, la réponse s’est perdue…
Auparavant, en 1973, Paul Anselin avait tenté sa chance en politique aux élections législatives, dans la quatrième circonscription du Morbihan, en tant que suppléant du candidat à la députation Henri Thébaud, maire de Mauron. Paul Anselin l’avait rencontré dans sa jeunesse à Angoulême. Il connaît alors une défaite. Puis, en 1977, il est élu maire de Ploërmel. Grâce à son ami Jacques Chirac, il est nommé directeur du personnel du département de Paris. Du lundi au Jeudi à la capitale, du vendredi au dimanche à Ploërmel. Il restera 31 ans maire de Ploërmel et cumulera les mandats : conseiller général du canton de 1985 à 1998, puis conseiller régional de Bretagne de 1998 à 2010.
Le scandale de « l’Angolagate » et démêlés avec la justice
Fort de son carnet d’adresses parisien, il dirige une entreprise prospère de conseils : Paul Anselin Associés Consultants. Il sera contacté par Pierre Falcone, principale protagoniste du scandale de « l’Angolagate ». Cette affaire concerne une vente d’armes à l’Angola, pays alors en pleine guerre civile, pour un montant de 790 millions de dollars. Les livraisons comprenaient notamment des mines anti-personnelles destinées à une guerre qui a fait entre 500 000 et un million de morts dont une majorité de civils.
Le 27 octobre 2009, le Tribunal Correctionnel de Paris condamne 36 personnes, dont Charles Pasqua et Jean-Christophe Mitterand. Paul Anselin est coupable pour les faits commis entre 1997 et 2000, qualifiés de recel de bien provenant d’un délit. Sa société avait reçu 118 147 euros et 164 681 euros pour des frais de voyages, ainsi que 15 000 euros en espèces. Il est condamné à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d’amende. Suprême humiliation pour un ancien militaire, il est privé pendant trois ans du port de ses décorations de commandeur de la Légion d’honneur et d’officier du Mérite.
Les Déambulateurs 56 n’oublient pas !
Ce 22 septembre 2025, place du Tribunal et de l’Union, la petite cérémonie menée par Patrick Le Diffon est donc l’occasion d’honorer un délinquant. L’événement n’a pas échappé à un groupe de citoyens du coin. Un mois plus tard, alors que Nicolas Sarkozy entrait en prison, une dizaine de personnes habillées humoristiquement en costard cravate ou robe de gala ont trinqué au Champomy à la santé des grands délictueux de la France. L’occasion de rebaptiser à leur tour la place Paul Anselin en Place Angolagate et montrer ainsi que les habitants du territoire n’oublient pas qui était M. Anselin.
