La fin pas si bien annoncée des radios locales et associatives ?

Les bénévoles et les salariés de Timbre FM, radio associative émettant sur le Pays de Ploërmel Cœur de Bretagne et implantée à Augan (Morbihan), et sans doute la très grande majorité des acteurs des radios locales et associatives françaises, ont été sidérés face au Projet de Loi de Finances 2025, présentée jeudi 10 octobre 2024 par le gouvernement. Celui-ci prévoit une réduction de 30 % à 35% du Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique (FSER), soit une coupe budgétaire de plus de 10 millions d’euros, pour des crédits alloués à plus de 770 radios associatives en France...

Par Erwan LE CALVEZ, pour le Comité d’Animation Collégial de Timbre FM

L’Arcom, le régulateur de la communication audiovisuelle et numérique, mettait en avant le rôle indispensable des radios associatives dans le maintien du pluralisme et de la diversité médiatique. Elle insistait également sur la nécessité de les soutenir financièrement pour leur permettre de réussir la transition de la FM vers le numérique, notamment via le DAB+ (radio numérique terrestre). Parmi les mesures proposées, l’Arcom recommandait un financement stable du FSER afin d’assurer la modernisation et la résilience de nos radios locales face aux défis économiques croissants

Ce financement, jusqu‘en 2008, était pérenne. Il avait le mérite d’être autofinancé par le monde des médias puisqu’il était prélevé sur les taxes des publicités radio et télé commerciales. Le gouvernement Sarkozy a mis fin à ce mode de financement en le rendant dépendant de la loi de finances, donc directement de son ministère de rattachement : le ministère de la culture, soit l’Etat. Une fois de plus, l’Etat, à la fois libéral économiquement et d’un autoritarisme centralisateur, devient le gestionnaire et le décisionnaire de systèmes auparavant autogérés par les acteurs sociétaux (organismes paritaires pour le financement du chômage pour ne citer qu’un autre exemple).

De plus, le montant de ce soutien est attribué en contrepartie de l’implication et des actions des radios locales sur leur territoire : éducation aux médias en milieu scolaire, informations culturelles et environnementales, plateaux radios sur les évènements, annonces des manifestations culturelles et sportives locales, communications sociales de proximité. Chaque activité radiophonique locale est soumise à attestation. Le montant du FSER est établi pour chaque radio en fonction du nombre d’attestations d’activités locales réalisées sur l’année civile. Ce financement, contrairement aux différents mode de soutiens financiers aux entreprises, est non seulement soumis à des contreparties, mais aussi aux contrôles.

Cette diminution inédite menace directement la pérennité des radios associatives, qui jouent un rôle essentiel dans la vie démocratique, culturelle et sociale de nos territoires. Ces médias de territoire et du lien social sont souvent les seuls à offrir une plateforme d’expression aux citoyens, à garantir la diversité des opinions, et à mettre en lumière les acteurs locaux, qu’il s’agisse des élus, des associations ou des initiatives citoyennes.

La réduction du FSER entrainerait des conséquences irréversibles : suppression de plus de 800 emplois dans un premier temps dans un secteur déjà fragilisé, recul du pluralisme, appauvrissement de la diversité médiatique locale, et affaiblissement de l’offre culturelle. Les radios associatives, véritables entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire, sont le deuxième employeur du secteur radiophonique, après le service public, cependant elles peinent déjà à absorber les augmentations de charges d’exploitation face notamment à la diminution des dispositifs d’aide, tels que les emplois aidés. D’autres charges se sont rajoutés face à la volonté de l’État de passer au tout numérique, soit la double diffusion en FM et Dab+. Sans compter les charges inhérentes à toutes les entreprises dépendantes du prix de l’énergie: Les radios sont de grosses consommatrices d’électricité.

Pour Timbre FM, cette baisse entrainerait la suppression d’au moins un poste salarié et réduirait d’autant nos capacités à intervenir sur notre territoire. Un poste salarié en moins c’est moins d’activités radiophoniques locales. Et de fait, cela entrainerait une diminution supplémentaire des montants alloués par le FSER. C’est une spirale qui amène vers la disparition pure et simple des radios associatives locales.

Enfin, cette coupe budgétaire est d’autant plus paradoxale que les radios associatives sont en première ligne pour former les jeunes (et moins jeunes) à l’éducation aux médias et à l’information, une mission essentielle face aux défis contemporains de l’infobésité : concentration des médias, croissance de l’intelligence artificielle et explosion des fake news.

Cette réduction du FSER parait d’autant plus incompréhensible, qu’elle diverge avec les priorités affichées et assumées par l’État lors des derniers exercices budgétaires. Elle va à l’encontre des grandes orientations définies par des initiatives telles que les États Généraux de l’Information, le Livre Blanc de l’ARCOM, ou encore tout récemment le Printemps de la Ruralité.

Le projet de Loi de Finances 2025 a été élaboré dans l’urgence en 15 jours par un gouvernement tout juste nommé. Le déficit a été révélé fin septembre, après sa dissimulation par Bercy, alors que le président de la commission de contrôle des finances du Sénat (Jean-François Husson), avait expressément demandé au ministre du budget (Bruno Lemaire) son montant dès début juin. Avec le montage express du projet de Loi de Finances 2025, il parait évident que le nouveau gouvernement n’a pas eu le temps de réfléchir aux implications qu’entraineraient une telle réduction du financement des radios associatives et locales.

Sources :

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