Pour comprendre le contexte dans lequel se construit le désir de reprise en régie directe de l’équipement et des missions de l’Association des Landes par la Communauté de communes, il faut revenir quelques années en arrière…
Par le Conseil d’administration pour l’association des Landes.
L’association les Landes existe depuis plus de 20 ans. C’est Joseph Orhan, maire de Monteneuf à l’époque, féru de patrimoine, qui s’était mobilisé avec quelques autres pour faire « réémerger » la conscience de la richesse du patrimoine mégalithique enfoui sur le territoire de la commune et dans la mémoire collective. C’est également lui qui avait convaincu la Communauté de communes d’investir dans l’équipement immobilier qui accueille les différentes activités développées sur le site. Il s’agit donc d’une propriété publique qui, dans le cadre d’une convention, a été gérée et (bien) entretenue par l’association des Landes et ses équipes. C’est ce que l’on peut appeler un partenariat public/privé non lucratif qui s’est en quelque sorte construit naturellement.
En 2023, l’association des Landes gère un centre d’hébergement et d’éducation relative à l’environnement, une réserve naturelle labellisée « Espace remarquable de Bretagne », un site mégalithique d’importance inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, la valorisation et l’animation du Prieuré St Étienne (chapelle du XIe siècle, classée Monument Historique) et plusieurs contrats de recherches scientifiques.
La situation de l’association est financièrement très saine, les activités sont reconnues par le public et la Communauté de communes de L’Oust à Brocéliande Communauté (OBC). L’équipe professionnelle, après des tensions il y a quelques années, a reconstruit une forte solidarité grâce au travail d’une nouvelle directrice en collaboration avec une coprésidence renouvelée.
Si l’association verse à la Communauté de Communes une redevance en proportion de la fréquentation des locaux, elle bénéficie chaque année d’une subvention de fonctionnement de la part de l’Établissement public de coopération intercommunale (EPCI).
Pendant de nombreuses années, la gouvernance de l’association est portée directement par des éluEs locaux ou communautaires avec le soutien de quelques citoyenEs investiEs. Le lien étroit entre l’association et ce que l’on pourrait appeler la « puissance publique » n’empêche pas des moments de tension à l’intérieur de la gouvernance et dans la relation avec la tutelle.
En dépit de son bon fonctionnement, le travail de l’association est remis en cause dès 2017.
Éducation populaire ou développement touristique ?
Dans des propos relatés par le journal Les Infos1, le président d’OBC, Jean-Luc Bléher en rend compte :
« En 2017, lors de la fusion de Guer Communauté avec la Communauté de communes du Val d’Oust et de Lanvaux et de la Communauté de communes du Pays de la Gacilly, de l’Oust à Brocéliande communauté interroge les pratiques de l’ensemble des équipements dans une logique d’harmonisation. […] En 2018, de l’Oust à Brocéliande communauté demande à l’association de faire évoluer son mode de fonctionnement « pour une plus grande ouverture sur l’extérieur, en vue de donner une plus grande dimension au projet, en concertation avec le conseil d’administration, les professionnels », explique Jean-Luc Bléher, président d’OBC. L’intercommunalité souhaite un projet « plus diversifié avec plus d’offres, de communication ».
Ces critiques sont encore appuyées lors de l’assemblée générale de l’association en 2018 durant laquelle M. Bléher exprime déjà l’éventualité d’une reprise en régie directe.
Ces différents éléments ont bien entendu des incidences sur la dynamique de l’équipe. C’est pour ces raisons, et aussi pour mobiliser de nouvelles énergies sur le projet, que le conseil d’administration accueille de nouvelles personnes et élit deux coprésidents dont on peut dire qu’ils représentent la « société civile ».
Ce seront donc ces personnes « citoyennes » qui seront les plus impliquées dans les échanges sur la poursuite des relations avec l’EPCI. Et comme le dit encore Jean-Luc Bléher, « le choix se porte sur la reconduction de la convention avec l’association des Landes sur la période 2022, 2023 et 2024 ».
Quoi qu’en dise le président, on ne peut pas qualifier ces discussions de particulièrement fluides : elles opposent souvent l’expression des enjeux de conservation et d’éducation à celle d’une logique d’aménagement du territoire basée sur le développement touristique.
Cependant, la reconduction de la convention, aussi délicate à négocier soit-elle, semble valider la poursuite de l’action de l’association et permettre d’espérer des collaborations plus constructives.
Une étonnante étude à charge
En 2022, lors de l’AG de l’association, les rapports d’activité et financier sont approuvés à l’unanimité des adhérentEs présentEs (dont des représentants de l’EPCI ). Un membre du bureau de l’association rend néanmoins compte d’une étude qu’il a initié sur la gouvernance de l’association. Cette étude, présentée comme un « processus d’évaluation du personnel » par Jean-Luc Bléher, a fait l’objet d’un cofinancement par l’EPCI et l’association, pour un budget total de 10 000€.
À la stupéfaction de l’assemblée, ce court compte rendu (qui demeure la seule restitution de l’étude) présente l’association comme exsangue et minée par une opposition de l’équipe vis-à-vis du CA. Cette étude critique la trop grande proximité de la coprésidence avec la direction ayant orienté sa pratique vers un management participatif et elle met en cause la compétence de celle-ci.
L’accusation, émanant d’une partie du bureau de l’association, vise également une soi-disant opposition de la coprésidence à une évolution des statuts de l’association voulue par l’EPCI pour aller vers une structure reposant sur des collèges.
L’assemblée générale se poursuit donc dans un chaos où l’expression de l’inquiétude des salariéEs est étouffée.
Sur de telles bases, la coprésidence « citoyenne » qui vient d’être mise en cause ne peut poursuivre sa mission sereinement et lors de l’élection renouvelant le conseil d’administration, ce sont ses opposants qui composent le nouveau bureau et donc la nouvelle présidence de l’association. Sa proximité avec l’EPCI étant assumée, on peut s’attendre à ce qu’elle puisse travailler avec celui-ci pour faire évoluer rapidement la gouvernance de l’association selon les désirs d’OBC. Mais, étonnement, ce n’est pas le cas.
On peut donc aussi s’étonner du fait que le président de l’EPCI, en février 2023 soit près d’un an plus tard, incrimine toujours la mauvaise volonté de l’association alors que tous les échanges avec l’EPCI sont exclusivement pilotés par le nouveau bureau et la nouvelle présidence. Cette déclaration a lieu au moment où il annonce au personnel, avant même que la décision de dénonciation de la convention triennale soit actée en conseil communautaire, la reprise en régie directe par l’EPCI et cela avec l’accord du bureau de l’association. On se perd en conjectures sur la cohérence de tout cela.
En tout cas, ces annonces, suivies de réunions présentant les conditions de leur intégration dans le cadre d’une gestion par l’EPCI déstabilisent fortement le personnel, d’autant plus que l’équipe n’obtient pas de réponse quant au projet d’actions envisagé.
Des membres du conseil d’administration, non élus au bureau et exclus de toute réunion décisionnelle depuis la dernière AG, demandent alors que ces sujets soient débattus dans le cadre d’une assemblée générale et il est choisi de les mettre à l’ordre du jour de l’AGO du 22 juin 2023.
1 Les Infos no2499, 20-26 décembre 2023.
De bons résultats
Depuis 2001, outre la mobilisation bénévole, les actions ont été portées par une équipe professionnelle qui s’est progressivement développée. Dès 2003, elle était constituée d’une quinzaine de salariéEs.
Chaque année l’exercice s’avérait au moins à l’équilibre. L’attribution des labels régionaux, les contrats de recherche etc, venaient confirmer la qualité de la gestion technique et économique de l’association.
Les ressources de l’association provenaient de subventions d’Etat, régionales, départementales, municipales et communautaires, mais aussi de la rémunération de ses actions en termes de recherches ou d’accueils de collectifs. Celles-ci représentaient un autofinancement de l’ordre de 60% dans le cadre d’un budget général de 814 650€ en 2023. La subvention de la Communauté de communes se montait environ à 150 000€, soit 18,41% de l’ensemble des ressources.
Notons que cette dotation, en réduction depuis plusieurs années, devait encore décroître en 2024. Par ailleurs, l’association versait à l’EPCI une redevance basée sur l’occupation des hébergements, laquelle s’était montée à 13 000€ (8 100 nuitées x 1.6€) en 2023.