Stop aux projets d’exploitation minière !

Une start-up installée dans un paradis fiscal sollicite trois permis d’exploration minière sur le territoire breton et l’Anjou. La résistance s’organise peu à peu. Un point sur ce dossier aussi brulant que consternant.

Par JP Leconte

Nous entrons dans un temps d’incertitudes : ébranlées par le cours des choses et les changements de donne énergétique, les grandes puissances  se replient sur elles-même et tentent d’assurer leur approvisionnement en ressources nouvelles. Les terres rares et autres matériaux précieux deviennent un enjeu stratégique majeur. Dans ce contexte, l’Europe a décidé de promouvoir la recherche de minerais sur son propre territoire. La France a sur ce point emboité le pas. Le code minier a été revu dans le sens d’une simplification et d’un allègement des procédures. Les résultats de cette démarche ne se font pas attendre.

Ici, dans la partie ouest du pays, un groupe canadien, spécialisé dans la recherche de métaux rares, vient de déposer trois demandes de « permis exclusifs de recherches minières ». Ce terme désigne la possibilité pour l’entreprise d’effectuer diverses prospections et forages. Si ces recherches s’avèrent positives, la société à l’initiative de la démarche obtiendra un droit d’exploitation exclusif des minerais.

Des enjeux financiers colossaux

Sur trois territoires étendus, la société Breizh Ressources, start-up installée à Lorient, représentant le groupe canadien Aurania Resources basé aux îles Bermudes, vient de lancer cette démarche. Choisi par qui, à la suite de quelles procédures et mise en concurrence ? Nous n‘en savons rien. La démarche se veut discrète. Lancée en juin dernier, à la veille des vacances, l’avis de consultation, publié sur le site du ministère de l’économie, avait fait peu de bruit. Consigne était aussi donnée aux maires de ne pas alerter les populations…

Par chance, Eau et Rivières de Bretagne, association bien connue sur ces territoires, exerce une veille importante sur ces sujets. Elle a donc repéré l’annonce, a aussitôt lancé l’alerte et diffusé l’information. En conséquence, les populations ont commencé à résister et un comité de défense a vu le jour sous forme de collectif, d’abord basé sur la partie Est de la zone centrale, puis progressivement sur l’ensemble du territoire concerné.

Une jurisprudence récente concernant un gros projet minier en Guyane(1) est aussi venue compliquer la donne : l’état a été obligé de stopper les processus en cours et de soumettre les différents projets à l’autorité environnementale. Celle-ci a émis un certain nombre de recommandations sur les précautions devant entourer cette première phase d‘investigations. Breizh Ressources a donc dû compléter sa copie, mais balaye d’un revers de main toute modification de son projet : ses mesures ne lui posent aucun problème…

Tout ceci a quand même donné un peu de temps aux associations pour parfaire leurs informations, et sensibiliser les populations et leurs élus. Si bien qu’ à ce jour, sur dix-huit communes concernées, seize ont émis un vote de réserve, hostile à ce projet. Mais leurs vœux ne sont que formels. La consultation relancée est nationale. L’avis dépend strictement des analyses et décisions du ministère des finances et de l’industrie. Le point de vue des Maires n’est donc qu’informatif et ceux-ci se sont d’ailleurs vus convoqués en Préfecture. En présence du Préfet et des représentants de la société Breizh Ressources, ils se sont vu expliquer le bienfondé de la démarche et la chance pour la région de bénéficier d’un tel apport….

Ce qui soulève le plus d’indignation, c’est d’observer le déroulement particulièrement obscur de la consultation. Aurania, la société qui chapeaute tout ceci, est dirigée par un certain Keith Barron, citoyen britanno-canadien vivant en Suisse, spécialiste de la recherche de métaux précieux, principalement de l’or (métal dont la valeur spéculative atteint aujourd’hui des sommets).

Spécialisé dans ce type d’aventure, il a déjà, en Equateur, redécouvert une ancienne mine, dont la mémoire s’était perdue, et dont la revente a assuré sa fortune. Il pense qu’en Bretagne, l’or doit être présent, que la fortune de Jules César, à la fin des guerres des Gaules pourrait être liée à ces découvertes(2). Et il se fait fort, sur la base d’études historiques et géologiques assez poussées de retrouver et exploiter ces filons. Il le dit d’ailleurs sans ambages dans les congrès internationaux : creuser dans ces terres devrait pouvoir rapporter beaucoup de dollars…

Les conséquences pour les populations résidentes, l’équilibre des activités économiques en place, les pollutions engendrées, l’atteinte aux ressources en eau, tout cela est ouvertement oublié. Il en est de même pour les retombées économiques éventuelles. Et il est quand même terriblement préoccupant de voir les services de l’Etat se mettre à promouvoir de telles démarches.

Une résistance organisée

Les oppositions aujourd’hui sont fortes et organisées. Autour du noyau originel constitué par le Collectif Stop Taranis et l’association Eau et rivières de Bretagne se sont progressivement agglomérés d’autres intervenants. La Confédération paysanne a concrétisé son désaccord. Europe écologie les verts (groupe de Redon) vient d’officiellement manifester son soutien à la lutte. Mathilde Hignet, députée LFI du secteur a interpellé le ministre de l’Industrie et de l’Énergie Marc Ferracci(3), et a accompagné la manifestation de Redon. La contestation prend de l’ampleur et ne cesse de se développer. La presse locale mais aussi régionale et nationale a solidement couvert l’événement : Déambulaterre, Splann, et aussi le Télégramme, Ouest France et les infos locales…

Le 14 Juin une manifestation importante qui a réuni mille personnes  s’est déroulée à Redon organisée par les associations. Tactiquement, Eau et rivières de Bretagne incite les propriétaires de terrain concernés par l’opération à manifester officiellement leur opposition à toute investigation sur l’emprise de leurs terres, et ce afin de compliquer ou rendre impossible le travail d’étude préalable(4). Le noyau de base du Collectif Stop Taranis, très présent sur l’Est de la zone, espère sensibiliser les grands propriétaires à cette démarche. Mais tout ceci n’est pas gagné !

Relancée au niveau national, par voie dématérialisée, la consultation s’est arrêtée le 18 Juin(5). Le ministère devra prochainement publier sa décision.

Il est probable que la lutte sera longue, et il il est sûrement important de rester très mobilisés.

Au-delà de ce cas de figure, qui nous touche et nous concerne très directement, le sujet de l’extractivisme est un thème national voire international qui affecte les peuples et soulève de nombreuses interrogations ! Face aux limites des réserves d’énergies carbonées et aux conséquences qui résultent de leur usage, en terme de dégradation des données climatiques, les principales puissances industrielles entendent se lancer de façon éperdue dans la recherche de ressources nouvelles, extraites à grands frais de nos sous-sols.

Bien que les conséquences sont souvent délétères pour la vie des populations riveraines, selon ces décideurs, ces matériaux permettraient  de répondre à une accélération souhaitable de l’économie et de la consommation : batteries, voitures électriques, téléphones portables, intelligence artificielle, banques de données,etc…

Cette recherche effrénée de nouvelles richesses soulève pourtant de sérieuses interrogations mais aussi de nombreux mouvements de contestation. La lutte locale est donc à mettre en relation avec cette réflexion plus générale.

Notes :

1 : https://reporterre.net/Montagne-d-or-en-Guyane-la-justice-confirme-la-non-prolongation-du-projet-minier

2 : https://splann.org/enquete/intoxication-miniere-en-bretagne/keith-barron-recherche-or-bretagne/

3 : https://actu.fr/societe/taranis-interpelle-par-mathilde-hignet-le-gouvernement-confirme-une-nouvelle-consultation-publique_62361002.html

4 : https://www.eau-et-rivieres.org/sites/erb.fr/files/pdf/35/a_completer_Formulaire_refus_prelevement_TARANIS.pdf

5 : https://www.economie.gouv.fr/actualites/consultation-du-public-sur-une-demande-doctroi-dun-permis-exclusif-de-recherches-de-1

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